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Évaluation des salariés

Entretien d’évaluation : des mentions péjoratives en lien avec un mandat syndical sont discriminatoires

Des mentions négatives, portées dans les comptes-rendus d’entretiens annuels d’évaluation et relatives aux absences liées à l‘exercice d’un ou plusieurs mandats, laissent présumer une discrimination syndicale. Illustration avec un arrêt d’espèce du 23 octobre 2019 de la Cour de cassation.

Le contexte juridique

Le code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions, sous réserve des dispositions des accords collectifs visant à concilier vie personnelle, vie professionnelle et fonctions syndicales et électives (c. trav. art. L. 2141-5).

En outre, les discriminations liées aux activités syndicales sont prohibées (c. trav. at. L. 1132-1).

L’affaire

Engagé le 1er février 1972 par une caisse de mutualité sociale agricole, un salarié a exercé les mandats de délégué du personnel, de délégué syndical et de conseiller prud’homme entre 1977 et 2012.

Il a pris sa retraite le 1er octobre 2012 et a saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’indemnisation du préjudice économique résultant selon lui, d’une discrimination syndicale ayant conduit à un retard d’évolution de carrière et de progression de rémunération.

Les juges du fond avaient écarté toute discrimination syndicale, en considérant que les éléments que produisait le salarié, à savoir des comparaisons (avec 22 autres salariés et sur 26 ans) de progression de carrière en sa défaveur et des comptes rendus d’entretien, qui évoquaient en termes négatifs ses absences liées aux mandats qu’ils exerçaient, ne permettaient pas d’« établir » une discrimination syndicale.

La cour de cassation a censuré cette logique et l’affaire sera donc rejugée.

La solution à retenir

Devant la Cour de cassation, l’argument de l’employeur tenait en une idée simple : selon lui, le salarié n’établissait pas des faits laissant présumer une discrimination syndicale. C’est à dire qu’il ne démontrait pas de lien(s) entre sa différence d’évolution professionnelle et/ou de rémunération et une discrimination syndicale et par conséquent, il n’y avait pas eu de discrimination.

Pour la Cour, ce n’était pas le bon raisonnement.

Il faut savoir qu’en cas de discrimination, la charge de la preuve étant allégée, le salarié devait simplement « présenter des éléments de fait » laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Il revenait ensuite à l’employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (c. trav. L. 1134-1).

Or, en l’espèce, les fiches d’évaluation du salarié faisaient mention du faible temps de présence du salarié dans l’entreprise, de ses absences fréquentes liées à l’exercice de ses fonctions syndicales et non prévisibles par l’employeur. Des circonstances qui, pour la Cour, suffisaient manifestement pour laisser supposer une discrimination syndicale à l’encontre du salarié, puisqu’elle a cassé l’arrêt de la cour d’appel.

Cette solution est un rappel d’un principe déjà affirmé par la Cour de cassation (cass. soc. 1er juillet 2009, n° 08-40988, BC V n° 166), qui confirme donc ici toute la vigilance requise, par un manager qui mène des entretiens annuels d’évaluation.

En cas d’accord collectif

La Cour rappelle, que sauf application d'un accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser, l'exercice d'activités syndicales ne peut être pris en considération dans l'évaluation professionnelle d'un salarié.

Ce n’était pas en cause dans l’affaire jugée le 23 octobre 2019, mais rappelons qu’en effet, un accord collectif de valorisation des parcours syndicaux ou électifs peut prévoir un dispositif au sein de l’entretien annuel, permettant une appréciation des compétences mises en œuvre dans l’exercice du mandat et susceptibles de donner lieu à une offre de formation et dont l’analyse est destinée à être intégrée dans l’évolution de carrière du salarié (cass. soc. 9 octobre 2019, n° 18-13529 FSPBRI ; voir notre information du 10 octobre 2019).

Cass. soc. 23 octobre 2019, n° 18-14976 D

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